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Les comics et le MCU #1 : Thor et le boucher des dieux

  • Owen 

Sans les comics, le MCU n’existerait pas. S’il n’hésite pas à s’en éloigner pour créer sa propre histoire, le point de départ de chacun de ses films et séries reste néanmoins ancré dans son matériau d’origine. Ainsi, chaque mois nous allons essayer de nous intéresser à un comics qui a pu servir de base à une œuvre de l’univers cinématographique, sans spoilers et pour vous donner l’envie d’approfondir. Cette semaine, focus sur la saga du Boucher des Dieux avant la sortie de Thor : Love and Thunder.

La première trilogie Thor du MCU

Thor et le MCU

Thor a suivi un parcours peu académique parmi les nombreux héros qui composent le MCU. S’il est le premier à recevoir l’honneur d’un quatrième film solo, ses débuts avaient pourtant été contrariés et jamais un personnage n’a mis autant de temps à trouver sa place au sein de l’univers. Ses deux premiers films (Thor, sorti en 2011, et sa suite Thor : Le Monde des Ténèbres, sortie deux ans plus tard) marquent la difficulté d’adapter les comics du dieu du tonnerre, ridicules sans être risibles et dramatiques sans être niais, des écueils dans lesquels ces deux productions tombent souvent (Thor 2 est ainsi le deuxième film le plus mal noté du MCU sur Rotten Tomatoes). En 2017, en donnant la franchise à Taika Waititi, Kevin Feige fait le choix d’une table rase pour Thor dans le troisième opus, Ragnarok, qui piétine en grande partie l’héritage des comics et opte pour une aventure pop et colorée, parvenant assez surprenamment à équilibrer son ton humoristique avec le drame qui parcourt la vie du héros. Si ce choix l’a complètement relancé dans le MCU, nombreux sont ceux qui critiquent la destruction de ce qui faisait de Thor un personnage si particulier, faisant à merveille le lien entre la magie et la science

En 2012, Jason Aaron l’avait parfaitement compris, et c’est ce qui fait de son run sur Thor une vraie référence pour découvrir les comics du dieu du Tonnerre, notamment avec son premier arc : la saga de Gorr, boucher des dieux. Ce scénariste n’est alors pas un inconnu chez la Maison des Idées, puisque c’est lui qui a écrit l’excellente série Wolverine : Weapon X, et il a notamment travaillé sur des titres comme Black Panther, Hulk et Ghost Rider

On sort tout juste alors de l’évènement qu’a été Fear Itself, énorme crossover autour de l’affrontement entre Thor et le Serpent, inspiré de la légende du Ragnarok dans la mythologie nordique. Ce récit, qui implique notamment les Avengers ou encore les 4 Fantastiques, voit la mort du Dieu du Tonnerre, qui se sacrifie pour sauver la Terre (et voit aussi Captain America soulever un certain marteau nommé Mjolnir). C’est après sa résurrection aux mains de Loki qu’on le retrouve au début de cette nouvelle saga, qui s’étend sur plusieurs millénaires et le confronte à ses démons.

Ça vous rappelle quelque chose ?

Un Dieu qui doute

Car la première force de cette histoire, c’est bien la réflection qui est faite sur la place de Thor dans son propre monde. Il n’est pas un dieu comme les autres, il a appris de ces nombreuses années passées sur Terre la valeur d’une vie, et en ce sens diffère de ses congénères, sur Asgard comme dans d’autres panthéons. Dans l’univers Marvel, les dieux ne sont rien d’autre que des êtres surpuissants qui protègent des planètes, impliquant le fait qu’ils sont capables de vice et qu’ils sont très loin d’être parfaits. Thor est ainsi traversé par une grande question qui forme la base de tout son conflit avec Gorr par la suite : les dieux sont-ils nécessaires ? Aaron s’attaque ainsi au thème délicat de la religion de manière assez subtile. Thor est devenu au fil du temps un dieu bienveillant, répondant aux prières d’une petite fille sur une lointaine planète par exemple, mais qu’en est-il des autres, à commencer par son propre frère Loki, dieu attitré de la malice. 

Les doutes qui animent le héros sont très bien matérialisés par un récit découpé en trois périodes temporelles bien distinctes, et par conséquent trois Thor différents. On retrouve ainsi, outre le Thor du présent membre actif des Avengers, un Thor du passé qui affronte pour la première fois Gorr (dont on va parler bientôt), et un Thor venu d’un futur possible où tous les dieux asgardiens sont morts et où il est le roi d’une terre désolée. Ainsi, chaque version de lui illustre parfaitement le conflit interne du protagoniste : dans le passé, il n’est pas digne de soulever Mjolnir et passe son temps à se battre avec ses compagnons vikings, il représente le dieu arrogant et violent, tandis que dans le futur, il est le reflet de ses peurs, vivant dans un monde sans dieux dans lequel il est condamné à survivre. Aaron pose ainsi les contours de ce que sera son long run sur Thor, avec par la suite des étapes importantes comme Original Sin et bien sûr la naissance de Mighty Thor. Mais d’abord, il confronte son héros à un super-vilain à la hauteur en la personne de Gorr.

Trois Thor, un combat

Un antagoniste de taille : Gorr, massacreur des dieux

La plupart des grandes histoires de super-héros sont marquées par des grands méchants. Du côté des films, l’ombre de Thanos a porté le MCU pendant près de 10 ans et sa présence illumine Infinity War (2018), on ne peut pas évoquer la trilogie Spider-Man de Sam Raimi sans parler du Bouffon Vert ou du Docteur Octopus. De la même manière, la longue histoire des comics Marvel est traversée par des récits où les antagonistes occupent une place singulière, de Thanos à Crâne Rouge en passant par Mephisto. Pour avoir le plein contrôle de son histoire, Jason Aaron crée un nouveau personnage qui va mettre le dieu du tonnerre face à ses contradictions, monstre tragique imbu d’une simple mais immense mission : tuer tous les dieux

Il est ainsi présenté tout d’abord comme un meurtrier sans pitié qui assassine à tours de bras des individus qui paraissent innocents aux yeux de Thor. Ce n’est que plus tard que l’on découvre progressivement ses propres origines qui l’ont mené à poursuivre cette terrible entreprise. Et c’est là le génie de l’écriture de Gorr. Comme tout bon méchant, ce n’est pas juste un psychopathe sans relief, c’est avant tout une âme torturée. Aussi malsaine soit-elle, sa quête n’est pas dénuée de motifs. Né sur une planète sans nom et aux conditions de vie terribles, Gorr avait une famille et une tribu, et croyait que ses dieux les sauveraient. Malheureusement, il perd tout ce qui lui était cher, dont sa foi. Ce n’est qu’après avoir été banni de sa tribu pour blasphème qu’il découvre que les dieux existent réellement et ne sont en rien des êtres bienveillants et attentionnés, mais plutôt indifférents et sans pitié. Gorr tue pour la première fois, et, armé de son épée, la Necrosword (créée à l’origine par un autre dieu, Knull, celui des symbiotes, mais ça c’est une autre histoire), part en guerre. 

Le boucher des dieux en personne

Gorr est un antagoniste sinistre et violent, et le récit n’hésite pas à le montrer (n’est-ce pas Taika Waititi). Le massacreur des dieux fait ce qu’on attend de lui, il tue et torture, aidé de sa mystérieuse armée de berserkers des ombres, qui sont comme sortis d’un cauchemar sans fin. Mais c’est aussi un personnage qui doit faire face à ses propres contradictions, tout comme Thor. Sa mission est tellement immense qu’elle requiert une force incommensurable. Si bien qu’une question essentielle vient vite torturer son esprit déjà malade : en tuant tous les dieux, n’en est-il pas devenu un lui-même ? 

Les doutes de Thor sont nourris en parallèle de la quête de son antagoniste. Ainsi, quand Gorr parle d’avoir tué des dieux du génocide, des maladies, de la famine, il est difficile de lui en vouloir réellement. Thor partage certains des points de vue de son adversaire, même si en aucun cas il n’envisage sa solution meurtrière et radicale. Cette saga illustre ainsi à merveille les enjeux qui habitent Thor depuis qu’il a réussi à soulever son marteau pour la première fois. C’est l’un des rares dieux qui se sent plus à sa place parmi les mortels, qu’il a appris à aimer et à aider. Il s’est battu à leurs côtés contre ses congénères à plusieurs reprises, comme Loki ou le Serpent. Gorr est une matérialisation des pensées les plus sombres du héros, ce qui fait de lui un des méchants les plus intriguants de l’univers Marvel. 

Un méchant pas comme les autres

Une saga au souffle épique

Racontée par un narrateur omniscient qui ne montre pas son visage, la saga du boucher des dieux est écrite comme une saga viking, illustrée par les dessins sublimes du croate Esad Ribic. Chaque planche est comme une peinture, qui donne un souffle légendaire à un récit aux proportions déjà dingues, combinant parfaitement le classicisme mythologique propre à Thor et la science-fiction cosmique un peu folle de Marvel. On passe de la grande bibliothèque des dieux à un jeune Thor chevauchant un requin de l’espace (oui oui), le tout sur fond de course contre la montre et de voyages temporels. C’est beaucoup, mais qu’est-ce que c’est classe !

Cet arc parvient ainsi exactement à faire ce que le MCU n’a jamais réussi avec Thor. Terriblement moderne, il ne renie pourtant en rien le côté kitch des aventures du dieu du Tonnerre, sans tomber pour autant dans le ridicule. C’est un exercice d’équilibriste, mais il est très réussi. D’autant plus avec une fin qui fonctionne parfaitement mais garde assez de portes ouvertes pour générer l’envie d’en voir plus.

La comparaison s'arrête là

Un run de 8 ans qui a redéfini les bases du personnage

Aaron est resté près de 8 ans aux commandes de Thor, révolutionnant au passage la franchise et posant des bases solides pour la suite. Dans Original Sin, autre crossover marvel qu’il écrit lui-même, il prépare l’arrivée future d’une nouvelle protagoniste, Mighty Thor, aka Jane Foster, devenue si populaire qu’elle partage l’affiche de Thor : Love and Thunder, avec le retour dans le rôle de Natalie Portman. Les doutes du héros sur la place qu’occupent les dieux continuent d’être abordés, notamment suite à une confrontation terrible avec Nick Fury (pas de spoils mais vraiment un grand moment). Le scénariste continue de développer des histoires également autour de la version future de Thor, qui affronte Loki et à nouveau Gorr, plus fou que jamais. 

Je ne peux ainsi que vous enjoindre à découvrir ce superbe récit des comics, disponible juste ici. L’intégralité du run de Jason Aaron a sinon récemment été publiée par Panini Comics en un gigantesque omnibus de presque 1300 pages, qui ravira les collectionneurs. 

Aaron est maintenant aux commandes du relaunch de la série Avengers depuis 2018, dans lequel on retrouve son goût pour les grandes sagas s’étendant sur des théâtres variés et un panel de personnages impressionnants (entre autres, Blade, Moon Knight, le Phénix, Mephisto !), même si le tout est moins équilibré que son passage sur Thor. 

Le futur de Thor... et du MCU ?
Owen

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