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Les Gardiens de la Galaxie 3 : Critique d’un adieu (presque) parfait

  • Owen 

Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3 débarque en salles le 5 mai 2023, avec l’ambition de conclure avec fracas la trilogie qui a révolutionné le film de super-héros. Un pari audacieux, et qui a bien failli être réussi.

Nous sommes en 2014. À ce moment-là, le MCU est en pleine ascension, deux ans après l’énorme succès du premier film Avengers, et quelques mois après le très réussi Captain America : le Soldat de l’Hiver. Le prochain sur la liste ? Un étrange film cosmique, réalisé par un inconnu au bataillon : Les Gardiens de la Galaxie. Promis à l’échec, déjà raillé comme le premier raté de Marvel, le film de James Gunn va pourtant révolutionner son genre à lui tout seul, et offrir le parfait manuel du film de super-héros moderne. Drôle, décomplexé, visuellement bluffant, le long-métrage marque un tournant, et érige au rang d’icônes des temps modernes ses détraqués cosmiques. 

S’il est moins consensuel (l’auteur de ses lignes n’en est pas forcément un fan), le second volet des aventures de Star-lord et ses potes reste cependant dans le haut du panier Marvel. Après un nouveau succès critique et commercial (863 millions de dollars de recettes au box-office mondial), Marvel et son big boss Kevin Feige ont logiquement mis en production un nouveau film. Sauf que rien ne s’est vraiment passé comme prévu. Viré par Disney en raison d’anciens tweets douteux, puis rapatrié, James Gunn a mis 6 ans avant de pouvoir enfin dévoiler la conclusion de sa trilogie. Entretemps, il a parfait son art chez la concurrence avec le brillant The Suicide Squad, et se prépare à devenir le chef de file du nouveau DCU. Les Gardiens de la Galaxie – Vol. 3 est donc enfin arrivé, dans un contexte brûlant. Le MCU est en difficulté après le bide d’Ant-Man 3 et l’affaire Jonathan Majors, et Gunn doit réussir un pari difficile : conclure sa trilogie comme il l’avait commencé, relancer un univers en perdition et offrir une vraie fin à ses Gardiens. Mission accomplie ? Pas complètement. 

C'est reparti pour un tour

Hooked on a feeling

Commençons par la bonne nouvelle : dans le marasme actuel au sein duquel croupit le MCU, ce troisième opus agit comme un vent de fraîcheur bienvenu. Cela peut paraître un peu idiot, mais Les Gardiens de la Galaxie 3 est un film. Un vrai. Pas une simple étape dans la progression du MCU (il s’apparente même presque à un coup d’arrêt), mais une proposition, loin d’être parfaite, mais sincère, sans concessions. Voilà sa première, et plus grande force. Dans un style purement Gunnien, l’émotion est enfin de retour chez Marvel, et prend souvent le pas sur le reste.

À ce titre, Rocket Racoon est le cœur battant du long-métrage, indéniablement. Après une phase 4 froide et monolithique, où les grandes menaces multiverselles ont pris le pas sur l’émotion la plus pure, Les Gardiens 3 nous rappelle que oui, il est possible de ressentir des choses devant un film de super-héros. Et ça fait sacrément du bien.  Le film livre ici certains des moments les plus impactants de la trilogie, voire du MCU lui-même. Après avoir pu développer son attachement à sa famille loufoque, ce troisième volet place au cœur de ses enjeux les origines de Rocket aux côtés du Maître de l’évolution. Le personnage prend ainsi une ampleur dramatique passionnante, qui vient récompenser tout le travail que Gunn a effectué sur lui.

Oui, il est trop mignon, et oui, c'est le héros du film

Gunn filme les créatures monstrueuses comme personne et nous le rappelle bien ici. Le réalisateur est à son meilleur quand il porte son regard sur des créatures étranges, et il nous livre quasiment sa plus belle création avec la “famille” de Rocket. Un morse sur roues, un lapin à pattes d’araignée et une loutre avec des bras bioniques, il se livre ici à un petit bestiaire de l’horreur (en apparence). Ces  flashbacks, qui rythment le récit à intervalles réguliers, sont le vrai trésor du film, tant le cinéaste parvient ici à leur offrir une charge émotionnelle qui monte crescendo. La tragédie du passage sur Contre-Terre, une version de notre monde où les habitants sont des hybrides animaux, agit comme une parenthèse sinistre dans le paysage habituellement si pop et coloré des Gardiens, signe que les temps ont changé. Dans le même temps, le sort de Rocket sonne de plus en plus incertain, et l’inquiétude qui en découle rythme efficacement le récit, en même temps qu’il nous émeut. 

Comme le réalisateur l’a affirmé (et c’est même répété dans le film), Les Gardiens de la Galaxie, c’est avant tout son histoire, et c’est plus que jamais vrai dans ce troisième opus. Toujours en quête d’un but, le raton-laveur symbolise plus que jamais ce qui rend cette bande de timbrés cosmiques si attachante : ils se détestent tous eux-mêmes, et en viennent à s’aimer entre eux, envers et contre tout. Si cette introspection du personnage est parfois presque encombrante pour les autres membres du récit (Star-lord et Nebula sont particulièrement éclipsés), le duo Mantis-Drax brille de mille feux, avec une présence bien moins fatigante que dans le précédent film. Gamora se retrouve un peu sur la touche, mais la déception n’est pas aussi grande que pour Adam Warlock, annoncé comme un personnage majeur du MCU au moment de la scène post-générique des Gardiens 2 et réduit ici à une sorte de deus-ex machina débile et sans intérêt, invoqué sur envie du scénario.

Warlock, le raté impardonnable (et incompréhensible)

I'm a weirdo

C’est le problème majeur de ce Gardiens 3. On a l’impression au terme de ces 2h20 que James Gunn s’est un peu perdu au milieu de ses personnages et de ses arcs narratifs. Là où le film brille incontestablement quand il place Rocket au cœur de ses enjeux, il faiblit à vue d’oeil quand il tente de s’intéresser à la romance morte de Gamora et Star-Lord, ou qu’il essaye désespérément de justifier la présence de Cosmo le chien et Kraglin dans l’intrigue. La séquence d’introduction est assez parlante à ce niveau-là, alors qu’après un plan-séquence mélancolique et intrigant, sur fond de Radiohead, Warlock est ramené à toute vitesse dans l’intrigue comme un cheveu doré sur la soupe. 

Ces tares sont quelque peu frustrantes, surtout au vu de l’étude des différents personnages mise en place dès les premières minutes du film. Peter Quill est devenu un zombie dépressif et alcoolique suite à la perte de Gamora, tandis que Nebula gère cette disparition par la violence. Cependant, la place prise par Rocket dans le récit les éclipse rapidement, et leurs dynamiques ne demeurent plus aussi impactantes par la suite. Le duo le plus efficace devient l’improbable alliance entre Mantis et Drax, tendre et drôle. Au détour d’un dialogue pétri d’une humanité déconcertante, Mantis en vient à défendre son fidèle acolyte, tout en reconnaissant sa faible intelligence. Le Destructeur n’en a pas fondamentalement besoin, car cela ne l’empêche pas d’être un des éléments moteurs de l’équipe, et le tissu qui garde en place cette famille dysfonctionnelle (désolé Vin Diesel). Ces moments, simples, touchants et efficaces, on aurait aimé en voir un peu plus, principalement au détriment d’Adam Warlock.

Quand tu te rends compte que tout n'est pas parfait

Gunn essaye tant bien que mal de relier son grand méchant au reste des films, mais la tentative demeure vaine, tant les liens qui unissent la grande prêtresse Ayeesha (l’une des méchantes du deuxième film) et le Maître de l’évolution paraissent forcés et mal amenés. A n’en pas douter, le long-métrage aurait gagné à resserrer considérablement son propos, quitte à sacrifier la (longue) séquence d’infiltration dans une sorte de complexe organique, finalement pas bien intéressante si ce n’est pour établir de nouveau la relation entre Gamora et les Gardiens. Le film devient une quête d’intimité permanente, et fascinante à observer, qui affronte les envies grandiloquentes de James Gunn, ainsi que le poids de l’héritage des deux précédents films (il y a même le retour de Sylvester Stallone et Howard le Canard). Autre problème, il atteint son climax émotionnel tout juste avant son épilogue, et l’intrigue retombe par la suite comme un soufflé. Ajoutez à cela une série de choix étranges, et vous sortez du film avec un goût d’inachevé, comme si Gunn n’avait pas voulu aller au bout des choses. 

Le script ne semble clairement pas aussi maîtrisé que sur les deux premiers volets (où c’était simple, mais rudement efficace). Le premier acte est ainsi bien difficile à démêler, tant les rebondissements artificiels se succèdent, tout comme les innombrables détours réalisés par les personnages. Gunn doit intégrer les éléments narratifs teasés à la fin du deuxième film (Warlock, qui ne sait pas très bien ce qu’il fait là) et l’avenir des Gardiens après Avengers : Endgame, ce qui parasite le réel enjeu émotionnel du film : Rocket. S’il est clairement moins présent dans ce troisième volet (et tant mieux), l’humour devient souvent agaçant tant il paraît superflu. Le film en vient à reprendre des mécanismes humoristiques éculés typiques du MCU,  à l’image d’une scène entre Quill et Gamora transformée en gag. C’est paradoxalement le premier opus de la trilogie qui a grandement popularisé le fameux “humour Marvel”, mais les Gardiens semblent maintenant le traîner comme un boulet, plus comme une sorte d’obligation qu’une vraie note d’intention. 

Le coup est (un peu) dur

The show must go on

Pour autant, malgré ces défauts qui le rendent profondément inégal, on ne parvient pas à s’énerver longtemps devant une proposition aussi généreuse. La réalisation de James Gunn est particulièrement inspirée, alternant plans-séquences déments et plans plus intimistes, qui mettent l’emphase sur les visages et les personnages. Alors qu’on se plaint si souvent de leur découpage aléatoire dans le MCU, les scènes d’action sont dynamiques et efficaces. On saluera une séquence dans le dernier acte réunissant toute l’équipe, totalement jouissive à suivre et parfaitement limpide. Autre excellente surprise, Gunn n’hésite pas jouer dans le cruel et le macabre, et ose montrer (ou suggérer) la violence, comme rarement dans l’écrin si lisse de l’empire marvelien. 

Cette violence, il l’exerce notamment au travers de son méchant. Car, avec le Maître de l’évolution, le réalisateur s’est trouvé un antagoniste à la hauteur de ses délires, ici incarné avec beaucoup d’application par l’acteur Chukwudi Iwuji. Menaçant et sinistre de par les expériences choquantes qu’il mène, c’est un personnage presque shakespearien, et sans doute le meilleur des antagonistes de la trilogie. Puissant, craint, et sans pitié, Gunn parvient à lui donner de l’épaisseur par quelques scènes de dialogue bien senties, notamment quand il se tient aux côtés d’un jeune Rocket ou qu’il questionne la notion de Dieu devant un de ses serviteurs. En somme, c’est à peu près tout ce que Kang le Conquérant aurait dû être dans Ant-Man 3. On regrettera cependant sa brutale mise à l’écart de l’intrigue dans le dernier acte, où il est réduit au rang de menace générique à éliminer pour les Gardiens. Passée la conclusion émouvante de l’arc de Rocket, le Maître perd son âme, et n’a de fait plus grand chose à raconter

Un antagoniste à l'image du film, passionnant mais inégal

Alors qu’il avait tout pour être la conclusion déchirante de la trilogie, d’autant plus avec le départ programmé de James Gunn, on a comme l’impression que le réalisateur esquive le sujet, ce qui rend le climax particulièrement déroutant. La désagréable sensation que l’on regarde une version longue du Spécial Noël sur Disney+ se ressent parfois, notamment dans le côté très balisé et finalement dénué de toute prise de risque. L’éclatement inévitable des Gardiens laisse un goût amer, comme une récompense que le film n’a pas mérité. Dès lors, on peut s’interroger sur la nature même du long-métrage. Sans attache avec le reste du MCU, est-il un véritable adieu, ou simplement un gros filler ? Un peu des deux mon capitaine, et c’est bien ça qui le rend si frustrant… mais aussi terriblement attachant. 

Les Gardiens de la Galaxie – Vol. 3 n’est donc clairement pas un raté. Ce n’est pas pour autant qu’il est le messie attendu. Sans doute l’opus le plus inégal de la trilogie, il compense un scénario bancal par des moments d’émotion sincères et déchirants, ainsi qu’une fascinante introspection de son héros Rocket Racoon. Au milieu des artifices, des explosions et des blagues peu inspirées, se cache l’âme d’un grand film, touchant et attachant, mais dont le potentiel ne parvient pas à complètement s’exprimer. De toute évidence, le MCU a perdu son auteur le plus passionnant avec James Gunn, qui réunit ici à la fois toute la force de son cinéma et certains de ses plus gros défauts. Son avenir s’écrit désormais du côté de DC, et il s’annonce radieux. Pour le MCU, on est en droit d’être un peu plus inquiet.

Owen

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