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Les comics et le MCU #2 : Secret Wars, l’ultime crossover

  • Owen 

Sans les comics, le MCU n’existerait pas. S’il n’hésite pas à s’en éloigner pour créer sa propre histoire, le point de départ de chacun de ses films et séries reste néanmoins ancré dans son matériau d’origine. Ainsi, chaque mois nous allons essayer de nous intéresser à un comics qui a pu servir de base à une œuvre passée ou à venir de l’univers cinématographique, sans spoilers et pour vous donner l’envie d’approfondir. Ce mercredi, quelques semaines après les annonces de Marvel Studios au Comic-con de San Diego, on parle du futur du MCU avec comme point de départ le Secret Wars de 2015.

Les trois premières phases du MCU, désormais appelées l'Infinity Saga

Histoires de crossovers

“Avengers Assemble”, Cap et Mjolnir, la Trinité contre Thanos, la bataille finale, “I am Iron Man”… Sorti en 2019, Avengers : Endgame a été le point d’orgue de 22 films interconnectés formant ce qu’on appelle désormais la Saga de l’Infini du MCU. Il a marqué le paysage du blockbuster moderne et constitue à ce jour sans aucun doute le film de la franchise le plus imposant (au duel avec Infinity War ? On vous laisse vous faire votre avis). Et pourtant, ce n’est certainement pas du côté des films qu’il faut regarder pour trouver le crossover le plus fou jamais imaginé ces dernières années, mais bien chez les comics. En 2015, le Secret Wars de Jonathan Hickman a en effet prouvé que la Maison des Idées était encore capable de produire des classiques à l’ambition démesurée, à la hauteur d’autres récits comme Infinity Gauntlet (1991) ou encore Civil War (dont on reparlera sûrement).

Secret Wars premier du nom, avec la première apparition d'un symbiote bien connu...

Première observation avant de se lancer dans le vif du sujet, on distingue deux arcs narratifs qui portent le nom de Secret Wars (à ne pas confondre avec le Secret War de 2004, oui c’est compliqué). Celui de 2015 est en réalité un hommage au premier de 1985, qui est à ce jour encore considéré comme le premier vrai crossover de Marvel. Certains éléments scénaristiques seront d’ailleurs repris par Hickman, comme le concept du Beyonder, même s’il le réagence complètement pour favoriser son récit. En 1985, Secret Wars avait été imaginé par le rédacteur en chef de Marvel pour vendre des jouets (la société Mattel venait de racheter les droits des personnages) et s’imaginait ainsi comme un immense rassemblement de héros et de méchants dans des combats dantesques. 30 ans plus tard, l’ambition de son successeur est toute autre : détruire l’univers Marvel, purement et simplement.

L'architecte : Jonathan Hickman

L’homme fondamental pour mener à bien ce projet s’appelle alors Jonathan Hickman. Scénariste de la série Fantastic Four de 2009 à 2012, puis des séries Avengers et New Avengers, il pose progressivement les bases de son méga-crossover final, suivant ainsi quelque peu le développement du MCU, de Iron Man à Endgame. Chaque mini-évènement organisé par Marvel dans les comics est alors utilisé pour poser une nouvelle pierre à l’édifice de Hickman. Il reprend des concepts et des personnages obscurs pour construire les éléments fondamentaux qui mènent à son objectif final, comme par exemple l’Homme-Molécule (si vous ne le connaissez pas, c’est normal) qui joue un rôle primordial dans l’histoire. Il utilise l’event Avengers vs X-Men (2012) et ses répercussions dans la mini-série Axis pour créer une première scission parmi les Avengers. Dans la série Avengers, il s’intéresse aux combats de l’équipe principale alors que de nouvelles menaces émergent dans l’univers, tandis que la série New Avengers suit les agissements secrets des Illuminati, équipe composée des terriens les plus influents (on y retrouve Reed Richards, Black Bolt, le Professeur X puis le Fauve, Namor, Black Panther et Doctor Strange, Captain America et Iron Man en ayant été éjectés).

Les Illuminati de Marvel

Extrêmement référencé et complexe, Secret Wars n’est pas le meilleur récit à proposer à un débutant dans les comics. Il s’appuie sur un plan étalé sur plusieurs années, et les séries qui mènent au crossover sont plutôt essentielles pour tout comprendre. Mais venons-en à l’histoire même. Pendant plusieurs années donc, Hickman place ses pions pour parvenir à la destruction du multivers, introduisant le concept essentiel des incursions. Des mondes entrent ainsi en collision, pouvant mener à la destruction d’un ou des deux univers concernés, ce qui pousse dans deux directions les Avengers. L’équipe principale va essayer de comprendre qui se cache derrière ce phénomène, alors que les Illuminati sont persuadés de pouvoir trouver une solution pour stopper les incursions.

Plusieurs évènements dramatiques mènent à des scissions au sein même des différents groupes : les Illuminati explosent après une confrontation entre Captain America et le reste de la bande, puis Namor décide de faire cavalier seul, étant le seul moralement capable de détruire des univers entiers. Plus arrogant que jamais, Iron Man se retrouve isolé du reste des héros terriens et est finalement capturé par Thanos et son Ordre Noir. Tout ça pour dire qu’alors que le multivers lui-même s’effondre, les héros principaux de l’univers Marvel (la Terre-616, comme dans le MCU… ce qui n’est pas très logique mais passons) sont difficilement capables de faire front commun. Pendant que la dernière incursion oppose les univers 616 et 1610 (la terre Ultimate, où vit notamment Miles Morales), un acteur surprenant va sauver ce qui peut l’être. Son nom ? Doctor Doom.

Un mortel parmi les immortels : Doom

Doom (ou Fatalis en VF) est l’ennemi juré des 4 Fantastiques depuis leurs débuts dans les années 60. Il est le double maléfique de Reed Richards, extrêmement intelligent, mais aussi calculateur, froid et surtout, très pragmatique. On l’avait dit le mois dernier pour Gorr, ce qui fait un bon méchant, c’est sa motivation. Ce n’est pas une brute, c’est un scientifique au cœur meurtri. Les cicatrices au visage qui le forcent à porter constamment un masque de métal le conduisent à nourrir une jalousie maladive à l’encontre de son meilleur adversaire, notamment autour de sa femme, Sue Storm, aka la Femme invisible. 

Pendant que les incursions ravagent le multivers, Doom se met lui aussi en quête d’une solution pour résoudre le problème, et découvre les responsables, des êtres anciens surpuissants appelés les Beyonders (la boucle avec le récit de 1985 est bouclée). Ceux-ci sont également des scientifiques qui manipulent la vie et la mort au travers du multivers depuis sa création (en d’autres termes, ce sont les dieux du Multivers Marvel). Les incursions et la fin de tout sont ainsi une gigantesque et morbide expérience menée par ces étranges créatures. Accompagné de l’Homme-molécule, Doom monte un plan pour détruire les Beyonders et s’emparer de leur pouvoir avant qu’il ne soit trop tard. Il parvient à sauver les restes de ce qui était la création et réunit des pans d’univers entiers sur un seul monde, Battleworld, dont il devient l’Empereur (ça partait pourtant d’un bon sentiment). 

Peut-on faire plus classe comme méchant ?

Secret Wars, en tout cas la série principale, est centrée dans un premier temps autour du nouveau rôle de Doom, qui souhaite diriger justement ses sujets. Il est un dieu, mortel devenu immortel, mais continue à se remettre en question et pense qu’il est indigne de son statut, déclarant notamment qu’il est “un piètre Dieu”. Ainsi, quand un petit groupe de survivants de la dernière incursion, mené par Reed Richards, se met en quête de le renverser, le conflit entre les deux ennemis prend un tournant extrêmement personnel autour de la question de l’échec et du bon sens. Doom est persuadé d’avoir fait le bon choix et a sauvé la création, tout en s’attachant par la suite à gouverner efficacement son nouveau royaume. Richards sait qu’il doit l’arrêter, à tout prix, mais est-ce par nécessité ou simplement par haine ? L’un des plus gros crossovers de Marvel devient un de ses récits les plus intimistes, confrontation magnifique entre deux de ses figures centrales au milieu du chaos que devient Battleworld

Confrontation au sommet

Tout meurt, il ne reste que Secret Wars

Autour de la série principale composée de 9 numéros gravitent de multiples séries prenant place dans différents coins de Battleworld. La force de Secret Wars est aussi de pouvoir garder investis les lecteurs des très nombreuses séries Marvel après l’arrêt (certes temporaire) de celles-ci. Ainsi, pour les fans de Spider-Man, on a la mini-série Renouveler ses vœux, où Peter Parker et Mary Jane Watson sont de nouveau mariés et parents d’une petite fille, ceux de Wolverine peuvent suivre Old Man Logan sans être trop dépaysés. 

Ceci permet aussi aux scénaristes de revisiter des classiques de l’univers Marvel, comme House of M, Civil War ou Marvel Zombies. En tout, on retrouve le nombre impressionnant de 48 mini-séries qui sortent au moment de Secret Wars, réparties sur l’année de publication de la série principale. Certains crossovers sont critiqués pour leur manque de ramifications avec le reste de l’univers partagé, ici, toutes les séries que Marvel publiait alors sont provisoirement arrêtées pour laisser place à ces nouveaux titres. C’est une prise de risque, mais elle permet de donner une vraie profondeur à Secret Wars, qui ne se réduit pas simplement au conflit entre Doom et Mister Fantastic, mais constitue aussi l’histoire d’une myriade de personnages embarqués dans des aventures où les règles sont nouvelles. Pour les scénaristes, souvent emmêlés dans la terrible continuité qui dure depuis presque 80 ans, c’est une aubaine, qui leur permet d’explorer des choses et de faire un peu ce qu’ils veulent dans ce gigantesque bac à sable. D’un point de vue strictement business, c’est aussi une réussite, puisque Marvel commande des spinoffs après la fin de ce statu quo (typiquement Renouveler ses vœux connaît un tel succès qu’une série régulière prend forme et est publiée entre 2016 et 2018).

Reboot réussi ou échec relatif ?

Son ambition est folle certes. Mais quel est le réel impact de Secret Wars sur le long terme ? Les lecteurs de comics le savent bien, rien ne dure vraiment dans ce monde où les statu quo sont sacrés. Chez DC, on a su procéder à des reboots qui permettent une porte d’entrée plus facile pour les nouveaux lecteurs quand la continuité devient trop complexe : cela a pu aboutir à Crisis on Infinite Earths en 1985, ou plus récemment à New 52, refonte totale des publications DC (réduites au nombre de 52) après Flashpoint en 2011. 

L’ambition de Marvel au départ était sans doute de suivre un chemin similaire à son concurrent. Les teasers sortis en 2014 mettent notamment l’accent sur la naissance d’un All-new Marvel Universe (comprenez un tout nouvel univers Marvel), l’objectif étant de se séparer d’une continuité devenue encombrante et de se concentrer sur ses publications les plus appréciées. Pourtant, sept ans plus tard, force est de constater que tout ceci n’a pas eu lieu. Il n’y a qu’à lire les comics Spider-Man sortis depuis pour comprendre que la sacro-sainte continuité n’a pas été enterrée, bien au contraire. 

Secret Wars aboutit bien à certains changements, l’un des plus notables étant par exemple l’introduction de Miles Morales dans l’univers principal des comics et la destruction de l’univers Ultimate, mais ils sont bien trop minimes par rapport à l’ampleur de l’évènement. Cela soulève un autre problème chez Marvel, avec une prise de risque minimale et une volonté de faire “ce qui plaît” au lieu de faire “ce qui doit être fait”. De reboot complet prévu à la base, Secret Wars devient crossover gigantesque permettant de changer quelques petites choses par la suite et de rapprocher le ton général du nouvel univers des films de Marvel Studios, le petit frère devenu superpuissance hollywoodienne. 

Peter Parker et Miles Morales peuvent désormais manger une pizza sans fracturer le multivers

Est-ce donc un échec ? Pas complètement, mais plus une occasion manquée de vraiment bousculer les choses. Signe supplémentaire, Marvel remet de nouveau à zéro la numérotation de ses séries dès 2018 avec une relance qui porte le nom de Fresh Start (ou nouveau départ). La particularité de Secret Wars, c’est qu’il a quasiment déjà gagné son statut de grand classique des comics modernes, au contraire de nombre de crossovers publiés par Marvel dans les années 2010. Avec son arc narratif porté sur trois ans, des idées formidables comme Doom en Dieu du Multivers et de nombreux moments cultes (beaucoup d’entre vous ont sans doute dû voir le combat entre Doom et Thanos), il s’est créé une place chez les fans de Marvel, et son adaptation dans le MCU est tout sauf un hasard.

Que peut-on attendre du Secret Wars du MCU ?

Endgame est actuellement le plus gros crossover du MCU, mais aussi le deuxième film de l’histoire au box-office mondial et un évènement qui a marqué les fans du monde entier. Secret Wars était donc quasiment la seule option viable pour le détrôner. Mais comment Kevin Feige peut-il l’adapter dans un univers bien différent de celui des comics ? 

Le MCU a posé les premières bases dans le meilleur film de la phase 4 (avis purement subjectif) : Doctor Strange in the Multiverse of Madness, sorti en mai et réalisé par le maestro Sam Raimi. L’apparition des Illuminati (un des rares moments caméos intelligents de ces dernières années) est loin d’être anodine, et a donné aux lecteurs de comics une occasion supplémentaire de s’enflammer. Le film introduit en effet le concept des incursions, tiré directement du récit de Hickman (ce qui pousse à penser que le MCU adaptera la version de 2015 plutôt que celle de 1985). Si on suit la scène post-générique (avec Charlize Theron dans le rôle de Clea), Doctor Strange 3 devrait constituer une nouvelle étape importante dans la course jusqu’à Avengers : Secret Wars, déjà daté pour 2025.

Mission : détrôner Endgame

C’est un autre élément à prendre en compte : la fin de la Multiverse Saga arrive très vite, dans trois ans. Il reste probable que le film soit repoussé à l’année suivante (il faudra suivre attentivement la mise en route du quatrième film Spider-Man, mais aussi la crise qui secoue actuellement l’industrie des effets spéciaux), mais les possibilités pour mettre en place l’intrigue ne sont pas infinies. Fantastic Four, premier film de la phase 6, devrait continuer à poser des pièces du puzzle, sans doute en introduisant Doctor Doom dans le MCU. La question du méchant sera centrale, car pour le moment, on se dirige plus vers un face-à-face avec Kang le Conquérant qu’avec Doom. Avengers : Kang Dynasty sortira en effet juste avant Secret Wars (et on connaît déjà le réalisateur).

Bonne nouvelle et casse-tête en moins à gérer : Steve Rogers et Tony Stark ne prennent pas part au récit principal de Secret Wars, seulement au prologue. Marvel a d’ailleurs déjà introduit des personnages qui jouent un rôle dans les comics, à commencer par Shang-Chi ou Namor qui arrive (quand on vous dit que tout est planifié). 

Quelle sera l’équipe d’Avengers ? Qui sera le méchant ? Verra-t-on les X-men ? A quoi peut-on s’attendre en termes de caméos ? Quel rôle pour Spider-man, dont les droits appartiennent toujours à Sony ? Aura-t-on un reboot complet du MCU ? Bref, beaucoup de questions, mais peu de réponses à donner pour le moment. On en saura sûrement plus avec la phase 5 qui débutera après Black Panther : Wakanda Forever. Mais il existe peu de doutes sur le fait que Marvel Studios va s’attaquer à son plus gros défi avec cette adaptation de Secret Wars, qui peut aussi bien être le plus gros crossover de l’histoire au cinéma ou un simple pétard mouillé…

Endgame vs Secret Wars, allégorie

Pour approfondir

Après une pause de quelques années, Jonathan Hickman est de retour aux affaires et continue son travail d’architecte chez Marvel. Depuis 2019, il s’est attaqué aux X-men et a complètement redéfini leur mythologie dans House of X / Powers of X. Comme pour Secret Wars, son travail s’effectue sur le long terme, et son plan final n’a pas encore été dévoilé. 

Panini comics a récemment décidé de publier dans une nouvelle édition tout l’arc de Secret Wars, comprenant les séries Avengers, New Avengers et Avengers : Time runs out, ainsi qu’évidemment l’event en lui-même. Pour ceux qui n’ont jamais lu de comics, c’est une lecture qui peut paraître difficile, avec beaucoup d’éléments de mythologie, mais Secret Wars reste jouissif, ne serait-ce que pour les magnifiques dessins d’Esad Ribic (déjà à la manoeuvre sur la saga du Boucher des Dieux) et Doctor Doom en costume blanc assis au pied de l’Arbre-Monde.

Vous pouvez également retrouver l’ensemble des annonces de Marvel Studios au Comic-con de San Diego en vous rendant ici pour les films, et ici pour les séries. Avengers : Secret Wars sortira le 7 novembre 2025 au cinéma.

Owen

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